Permaculture

Qu'est-ce que c'est ?

Le mot permaculture est une contraction des mots permanent et culture (culture en anglais signifiant civilisation).

 

Elle s'appuie sur une éthique  :

  • prendre soin de la terre (les sols, la forêt, l'eau)
  • prendre soin des hommes (soi-même, ses proches, sa communauté)
  • partager équitablement (limiter la consommation, redistribuer les surplus)

Dans ce cadre, la permaculture invite à s'inspirer des écosystèmes naturels (dans la nature, rien ne se perd, tout se transforme ; les espèces interagissent pour garantir la stabilité du système) pour concevoir des systèmes résilients mettant en relation l'habitat, la production, l'énergie ou encore les relations humaines. On associe souvent la permaculture à la conception d'un jardin potager bio mais ce n'est que l'une de ses multiples formes d'expression. (1)

 

La permaculture s'attache à la conception d'un paysage dans sa globalité, en intégrant de manière cohérente des bâtiments efficaces et agréables, la production de nourriture, l'approvisionnement en eau, le traitement des déchets, la nature, l'approvisionnement en énergie et les réponses pour tous les autres besoins. (2)

 

Le design en permaculture

La permaculture invite à penser des systèmes intelligents et résilients. Pour cela, elle s'appuie sur une méthode de conception ou design. Dans tout projet permaculturel, il s'agit donc de prendre en compte l'ensemble et d'étudier les interactions bénéfiques qui peuvent s'établir entre les différents éléments en les situant correctement les uns par rapport aux autres. (3) 

 

Un exemple pour comprendre

Appliqué à un jardin, le design va s'appuyer sur des outils de conception. Un des exemples que l'on peut donner, c'est le zonage. Cela consiste à placer les différents éléments plus ou moins loin du centre des activités humaines (la maison). On place au plus près du centre les éléments qui demandent beaucoup de présence humaine. Plus on s'en éloigne, moins les éléments placés nécessitent l'intervention de l'homme. Ainsi, le potager sera placé au plus près de l'habitation car il requiert beaucoup de soin. En revanche, la partie boisée du terrain sera placée loin de la maison puisqu'on s'y rend peu. Une partie de ce bois devra même rester la plus sauvage possible afin de laisser faire la nature et favoriser la biodiversité. Entre les deux, des zones sont définies en fonction de leur usage et leur utilité.

Un autre principe de conception (ou du design) est que chaque élément du système doit remplir plusieurs fonctions. Un exemple très simple, celui de la poule qui produit des oeufs mais qui se nourrit aussi des déchets produits par le potager et fertilise le sol. Autre exemple, le toit d'une annexe qui abrite du bois ou des outils mais peut servir à collecter les eaux de pluie dans une cuve pour l'arrosage...

Les inspirations

Le mot "permaculture" a été inventé par les Australiens Bill Mollison et David Holmgren dans les années 70. Ils ont développé leur concept dans leurs ouvrages Permaculture1&2. Pour eux, le concept s'applique à l'ensemble des réalisations humaines.

Pour expliquer certains principes de la permaculture, Holmgren s'inspire du fonctionnement culturel de peuples qui ont su vivre en harmonie avec la nature.

Dans son rapport à la terre, Bill Mollison s'est inspiré des quatre principes de culture de Masanobu Fukuoka (agriculteur japonais ayant développé l'agriculture naturelle) :

1. Pas de préparation du sol — ne retournez pas la terre, ce qui lui cause des blessures qu'elle doit s'efforcer de guérir.

2. Pas d'engrais chimique ni de compost préparé — laissez les plantes et les animaux qui fabriquent l'humus travailler le sol.

3. Pas d'élimination des herbes indésirables par sarclage ou par herbicide — utilisez ces plantes ; gardez-les sous contrôle par des moyens naturels ou coupez-les occasionnellement.

4. Pas de dépendance des produits chimiques — les insectes et les maladies, les herbes indésirables et les animaux « nuisibles » ont leurs propres contrôles — laissez agir ces derniers et aidez-les.

 

Repenser l'agriculture

La permaculture n'est pas un nouveau modèle d'agriculture. Toutefois, elle permet de repenser les modèles actuels et invite à s'inspirer des écosystèmes pour redonner vie à nos paysages. L'accroissement des connaissances sur le sol apporté par l'agroécologie a permis de comprendre combien l'Homme s'est affranchi des règles de la nature pour artificialiser les sols et les appauvrir de manière considérable (voir sur ce thème les travaux du couple Bourguignon).

Mais renoncer au modèle agricole conventionnel est compliqué tant on a encouragé son développement et favorisé sa pérennité au travers de subventions. Sans ces aides, la plupart des paysans, fortement et injustement soumis à des rémunérations insuffisantes, ne pourrait s'en sortir. Or, ces subventions soutiennent un modèle d'agriculture intensive impliquant l'utilisation de pesticides et l'appauvrissement des sols par la pratique de la monoculture.

Comme l'écrit Janine M. Benyus  : "Depuis 1945, le recours aux pesticides a augmenté (aux Etats-Unis) de 3300%, mais les pertes de récolte totales dues aux ravageurs n'ont pas diminué. En réalité, bien que nous ayons bombardé les Etats-Unis d'un million de tonnes de pesticides chaque année, les pertes de récolte ont augmenté de 20%. Entre-temps, plus de cinq cents animaux ravageurs ont développé une résistance aux produits chimiques les plus puissants. Mais le pire, et la dernière chose que nous voulons entendre, c'est que nos sols sont de moins en moins productifs. Pour y remédier, nous les avons tout simplement dopés avec 20 millions de tonnes d'engrais azotés par an, soit pas moins de 72 kg par personne, dans notre seul pays (les USA)." Janine M. Benyus ajoute : "Pour la première fois, en dix mille ans d'agriculture, le sort des agriculteurs dépend(ait) brusquement des entreprises pétrolières et chimiques". En 1900, toujours aux Etats-Unis, pour 1 dollar dépensé en intrants, on produisait 4 dollars de cultures. Aujourd'hui, il faut 2,4 dollars d'intrants (engrais, pesticides, serres chauffées, transport..) pour produire 4 dollars de cultures.(4) Quant au rapport, calories dépensées, calories produites, il s'est même inversé : il faut actuellement en moyenne 10 à 12 calories d'énergie fossile pour apporter 1 calorie alimentaire dans notre assiette.(5)

Il faut donc montrer au travers d'exemples la faisabilité d'un nouveau modèle d'agriculture. La permaculture apporte le cadre de ce nouveau modèle plus respectueux des hommes et de l'environnement.

Mais ce modèle est-il viable économiquement ?

Patrick Whitefield  pose cette question volontairement provocatrice : "Avons-nous vraiment besoin d'exploitations agricoles ?" Et voici comment il y répond :

Cette question suggère qu'il suffirait de jardins et de petites fermes pour nourrir la planète. Cela peut sembler stupide, mais pourtant oui, c'est possible, si nous le voulons vraiment.

Les jardins sont beaucoup plus productifs que les fermes. Des recherches révèlent qu'en moyenne la production au m2 d'un jardin potager est d'ores et déjà 3,5 fois plus élevée que celle d'une ferme, car la surface du jardin, plus petite, reçoit plus de soin et d'attention. Appliquer à un jardin les principes de conception permaculturelle peut contribuer à augmenter encore ce surcroit de productivité.(6)

L'exemple de la ferme du bec-hellouin

Perrine et Charles Hervé Gruyer ont créé une ferme en Normandie dans une approche permaculturelle. Les résultats obtenus sont tellement encourageants que l'INRA et AgroParisTech se sont intéressés à cette expérience et ont monté une étude intitulée "Maraichage biologique permaculturel et performance économique". Ce programme vise à confirmer l'hypothèse suivante : 1 000 mètres carrés de cultures maraichères diversifiées, menées selon la méthode de la Ferme du Bec-Hellouin, permettent-ils de créer une activité à temps plein ? Dès la première année, ils ont pu constater la viabilité d'une telle approche. (7)

Rappelons toutefois que cette étude se fait sur 1000 m2 très productifs qu'il faut replacer dans un contexte beaucoup plus large d'une ferme sur plusieurs hectares inspirée de la permaculture et déjà bien aboutie.

Quant à la possibilité d'étendre ce modèle à grande échelle en poursuivant l'objectif de nourrir la planète, les deux auteurs développent et nous livrent une perspective passionnante dans leur formidable ouvrage.

Des vidéos pour présenter la ferme du Bec-Hellouin sur leur site internet : ici

Les rapports de l'étude : ici

Un article de Terra Eco qui résume les conclusions de cette étude et donne un lien vers l'étude complète : ici .

Aujourd'hui, il existe beaucoup de relectures passionnantes de cette étude qui apportent des réserves et des compléments intéressants.

Futuremag - Arte

2 podcasts sur le sujet :

sources :

(1) Nelly Pons "Débuter son potager en permaculture" chez Actes Sud

 

(2) Patrick Whitefield "Graines de permaculture" chez Passerelle Eco

 

(3) ibid


Faire des liens...

L'approche systémique est applicable à d'autres domaines comme celui de la monnaie (B. Lietaer explique l'analogie avec les écosystèmes naturels dans une vidéo de cet article.)


A lire également :

A propos de ces savoir-faire ancestraux, lire l'excellent livre de Charles et Perrine Hervé-Gruyer : "Permaculture - Guérir la terre, nourrir les hommes" chez Actes Sud - domaines du possible

 

A écouter également :

M. Dufumier nous parle de la révolution agro-écologique.

Ecouter le podcast

 A voir également :

C. Bourguignon :

la microbiologie du sol

(passionnant)


sources :

(4) Janine M. Benyus "Biomimétisme" L'écopoche Ed. Rue de l'échiquier

sources :

(5) Patrick Whitefield "The Earth Care Manual" Permanent Publications

Patrick Whitefield est enseignant, designer et consultant en permaculture. Il est aussi auteur sur ce sujet.

Il a grandi sur une petite exploitation agricole dans le Somerset et a été diplômé en agriculture au Shuttleton College, Bedfordshire. Ensuite, il a acquis de l'expérience en Angleterre, au Moyen-Orient et en Afrique.

cit.  "Graines de permaculture" chez Passerelle Eco

 

(6) Patrick Whitefield "Graines de permaculture" chez Passerelle Eco


sources :

(7) Perrine et Charles Hervé-Gruyer "Permaculture - guérir la terre, nourrir les hommes" chez Actes Sud

Recherches à la ferme du Bec-Hellouin :

A voir aussi :


L'intervention de Nicolas Hulot sur Europe1. Il présente son invité Maxime de Rostolan pour parler de ce sujet.

Voir la vidéo