Retisser les liens avec les jeunes

Photo : Jérômine Derigny, collectif Argos (pour le magazine Kaisen n°40 sept-oct 2018)
Photo : Jérômine Derigny, collectif Argos (pour le magazine Kaisen n°40 sept-oct 2018)

 

Très belle initiative de "Médiation Nomade" qui depuis 2012 sillonne les quartiers à bord d'un camping-car et s'arrête au pied des immeubles où se regroupent les jeunes quand la nuit tombe.

Son objectif : retisser des liens entre jeunes et adultes n’arrivant plus à se rencontrer et souvent en rupture avec les institutions.

Le magazine Kaisen n°40 consacre un article formidable à Yazid Kherfi le fondateur de l'association "Médiation Nomade".

Lien vers le site de l'association qui propose ses services aux acteurs de la ville.

 

 

 

    Le camion décoré des portraits de Gandhi, Mandela et Luther King apporte de la convivialité, de la musique et un message de non-violence dans les quartiers populaires pendant une ou plusieurs soirées. La réoccupation de l’espace public en soirée par les adultes permet de retisser des liens entre les générations en offrant une occasion de partager un moment convivial.

Interrogé par la journaliste Sabah Rahmani, Yazid Kherfi explique "On s'installe dans l'espace public, on met des tables, des jeux de société, des boissons, du thé à la menthe, comme sur une terrasse de café. On essaie de créer un espace suffisamment convivial pour que les gens viennent parler. J'ai constaté que le soir, en France, les jeunes galèrent dans les quartiers. A part les commissariats, il n'y a pas grand-chose d'ouvert... La plupart des maisons de jeunes et des centres sociaux ont des horaires de mairie et ferment à 18 heures. Or le soir, c'est le moment où les problèmes de délinquance, de souffrance et d'altercations avec la police commencent. Il manque donc des acteurs de prévention à ces heures-là. Et je pars du principe que si nous, on n'occupe pas l'espace public auprès de ces jeunes, d'autres l'occuperont avec des discours plus durs."

Selon la journaliste, l'ambiance créée par cette rencontre éphémère est "propice à la confiance et au dialogue". Yazid en profite pour "parler aux jeunes et les rapprocher des institutions qui pourraient les aider." C'est aussi pour lui le moment de casser les préjugés et l'incompréhension qui s'est installée entre les jeunes des quartiers et le reste de la population. Yazid leur explique que les gens ne les connaissent qu'au travers de ce qu'ils entendent ou voient à la télé c'est-à-dire au travers d'un discours stigmatisant. Il explique : "Comme les gens en face généralisent souvent, eux aussi généralisent et pensent que les gens ne les aiment pas ou qu'ils sont racistes. Ils alimentent alors un discours contre les autres. Chacun a sa part de responsabilité." La journaliste s'interroge alors : "Comment briser les frontières visibles et invisibles des territoires et des esprits ?"  Le médiateur emmène des bénévoles avec lui, étudiants en stage ou en service civique : "La plupart des bénévoles que je ramène ont envie d'y aller mais n'osent pas, par peur ou sentiment d'insécurité." Il continue : " C'est intéressant de casser un peu la barrière de la peur et des préjugés, du désintérêt ou même du mépris."

Une belle leçon.

La journaliste conclue dans cet article : "Médiation Nomade s'attache à militer auprès des institutions, des associations de quartier et des pouvoirs publics. Elle veut les convaincre de multiplier les initiatives de prévention nocturne, persuadée qu'à l'instar des policiers et des infirmiers, les acteurs sociaux doivent aussi occuper le terrain le soir." 

"Si aujourd'hui l'association a réalisé plus de 230 soirées dans 42 villes et 59 quartiers principalement en Ile-de-France, le concept se développe actuellement à Lyon et à Marseille. Un bel espoir, que Yazid Kherfi aimerait reproduire dans tous les quartiers populaires de France pour éclairer les nuits et les esprits! "

Tiré du magazine Kaisen - (journaliste : S. Rahmani)