L'enfant, l'école et le caddie

    Nous sommes aujourd'hui le fruit d'une société consumériste. Nos enfants sont confrontés tous les jours à la publicité qui nous pousse à acheter toujours plus en nous faisant croire que le bonheur s'obtient en acquérant des biens. Nous n'avons plus conscience que ce modèle nous est imposé et que nous nous sommes enfermés dans un mode de pensée dont nous sommes aujourd'hui prisonniers. Et même si nous pouvons avoir quelques prises de conscience, celles-ci ne durent pas et nous continuons à vivre ainsi comme emportés par le flot. Les enfants de notre société vivent dans ce monde qu'ils ne peuvent remettre en question car nous, les parents, concédons à y vivre sans leur proposer d'autre modèle.

    L'individualisme est sans doute la pire des conséquences de cette réalité. Pour acquérir des biens, il faut avoir de l'argent que l'on obtient par un travail parfois dénué de sens, que l'on est prêt à garder en écrasant l'autre. L'autre c'est le collègue, le client que l'on ne connait pas, c'est aussi celui qui vit à l'autre bout de la planète et qui produit ce qu'on veut posséder. Et ce produit que l'on achète parce que tout le monde le veut, parce que l'autre l'a, il est à nous, à nous seul, il fait partie de nous. Cet objet qui finira par être jeté dès qu'il sera inutilisable. Alors quel exemple donnons-nous à nos enfants lorsque nous remplissons nos caddies de toutes ces choses que nous achetons ? Certains d'entre nous sont bien conscients de l'absurdité qui guide nos besoins de possession. Ils parlent à leurs enfants, leur expliquent l'importance de consommer en conscience. Et puis ? Voilà nos enfants confrontés à un dilemme dont l'issue n'est pas difficile à prévoir car il n'existe pas d'autre exemple sur lequel appuyer nos convictions.

    Dans nos écoles, sanctuaire de la connaissance, qui doivent faire de nos enfants des citoyens éclairés, quel modèle de société peut-on leur montrer pour les libérer de leur destin de consommateur ? L'individualisme inscrit dans les gènes de nos enfants conduit les enseignants à s'adapter à chacun, à leurs désirs immédiats, à leurs difficultés éminament singulières, s'épuisant à naviguer d'un élève à l'autre au détriment du groupe, du collectif. Cet individualisme est encouragé par nous, parents, qui trouvons notre enfant unique, et ne voyons que son intérêt propre. Nous souhaitons par-dessus tout son épanouissement individuel en oubliant le collectif. Absurdité. Que peut l'école face à cela ? On l'accuse de ne pas éduquer nos enfants à la solidarité, à la non-violence, à l'empathie. Pourtant, elle est le dernier maillon qui résiste encore et où chaque jour le vivre ensemble est une réalité. Quels moyens a-t-elle pour aller à l'encontre des valeurs prônées par notre société au travers de la publicité et des médias ? Lorsque la société montrera qu'il existe un autre projet de vie dans lequel le collectif, la communauté, l'intérêt général auront une place centrale, l'école sera le pilier de cette alternative. Mais elle ne peut être le point de départ de ce changement.

    Aujourd'hui, des initiatives allant dans ce sens fleurissent un peu partout, touchant un nombre de plus en plus important d'individus. Provenant de la base. Toujours de la base. Elles ne doivent pas rester confidentielles ni demeurer l'apanage d'une élite. Elles doivent se diffuser, pénétrer la société par tous les pores pour devenir un projet collectif qui nous apparaîtra bien plus juste et plus enthousiasmant que le modèle actuel. Modèle auquel nous n'aurons alors aucun mal à renoncer.